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Les effets de l'absence d'annonce de la grossesse sur la résiliation judiciaire du contrat de travai
L'article L. 1225-4 du code du travail dispose « qu'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée […] ». Cette formule renvoie à la rupture réalisée par l'employeur. Cet article est d'ailleurs inséré dans une sous-section 1, intitulée « embauche, mutation et licenciement ». L'article L. 1225-5 du code du travail semble le confirmer lorsqu'il dispose, complétant l'article précédent, que « le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte ». Toutefois, l'exercice des libertés fondamentales n'impose à la salariée d'informer son employeur de son état de grossesse.
À cet égard, l'article L. 1225-2 du code du travail ne s'adresse pas seulement à la candidate à l'emploi qui a le droit de dissimuler sa grossesse lors de l'embauche. Il protège également la salariée en poste. Une fois embauchée, la salariée y a fortement intérêt si elle souhaite bénéficier des mesures de protection attachées à la grossesse. Pour ce faire, la salariée informe son employeur par l'envoi d'un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte. Les modalités de remise de ce certificat ont été précisément déterminées par voie réglementaire. La salariée « remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse » (C. trav., art. R. 1225-1).
Le contenu du certificat médical a également été délimité. Outre l'état de grossesse, le certificat doit attester de « la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s'il y a lieu, l'existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail » (C. trav., art. R. 1225-1). La chambre sociale a finalement accordé peu d'importance aux modalités d'information de l'employeur, prévues par voie réglementaire. En effet, selon une jurisprudence bien assise de la Haute juridiction, l'envoi d'un certificat médical de grossesse dans les formes prévues par le code du travail n'est pas une formalité substantielle (Soc. 20 juin 1995, n° 91-44.952, Bull. civ. V, n° 202 ; RJS 8-9/1995, n° 880 ; CSB 1995. 261, A. 49).
Le formalisme de l'article R. 1225-1 du code du travail est alors prescrit comme un simple mode de preuve et non comme une règle de fond privant la bénéficiaire de toute protection. C'est pourquoi tout autre document par lequel un médecin atteste d'une grossesse, certaine ou même vraisemblable, suffit à informer l'employeur. Il restait néanmoins à savoir quelle pouvait être l'articulation entre la résiliation judiciaire et les règles protectrices liées à la grossesse lorsque l'employeur a été tenu informé de l'état de grossesse de la salariée au cours de l'instance en résiliation judiciaire.
Pour répondre à cette question, l'analyse de la chronologie des faits est essentielle. En l'espèce, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 29 juillet 2013, d'une action en résiliation judiciaire, en invoquant divers manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles. Par courrier du 12 décembre 2013, elle informait son employeur de son état de grossesse. Elle fût licenciée pour faute grave le 18 décembre 2013. Le 26 septembre 2014, le Conseil de prud'hommes débouta la salariée de sa demande de résiliation judiciaire. Le 5 novembre 2015, la cour d'appel de Paris (Paris, pôle 6, 8e ch., 5 nov. 2015, n° 15/04045) censura le jugement et prononça la résiliation judiciaire en considérant qu'elle produisait les effets d'un licenciement nul.
Ainsi, la Haute juridiction devait répondre à cette question inédite. Elle considéra, au visa des articles 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail, que « lorsqu'au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n'a pas informée l'employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Par conséquent, comme « la salariée n'avait informé l'employeur de son état de grossesse que postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail », les juges du fond ne pouvaient pas faire produire à la résiliation judiciaire les effets d'un licenciement nul. Cette décision invite à prendre comme point de départ de la protection la date de saisine de la juridiction prud'homale.
Dans l'hypothèse où l'employeur ignore l'état de grossesse de la salariée au moment de la saisine, la résiliation judiciaire s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non en un licenciement nul. La présente décision ne traite pas néanmoins de la possibilité pour la salariée d'informer son employeur dans un délai de quinze jours après son licenciement. Dans cette hypothèse, le code du travail donne une sorte de seconde chance à la salariée enceinte qui n'a pas cru utile d'informer son employeur durant la relation de travail. Licenciée, cette dernière peut dès lors et ce de façon rétroactive bénéficier des dispositions protectrices du code du travail et ainsi obtenir la nullité de son licenciement. Ainsi, aux termes de l'article L. 1225-5 du code du travail, le licenciement d'une salariée est annulée lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, la salariée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte.
La Cour de cassation juge que le délai de quinze jours court à compter du jour où la notification du licenciement a été effectivement portée à la connaissance de la salariée (Soc. 3 déc. 1997, n° 95-40.093, Bull. civ. V, n° 417 ; RJS 1998, n° 25 ; 16 juin 2004, n° 02-42.315, Bull. civ. V, n° 165 ; D. 2004. 2412, et les obs. ; Dr. soc. 2004. 906, obs. F. Duquesne ; RJS 2004, n° 1032). Ainsi, la Cour de cassation n'a pas estimé pertinent de transposer cette solution à l'hypothèse de la résiliation judiciaire.